Claire Largillière
La Violence Scolaire, le Fait de "Micro-Violences"
Pour Éric Debarbieux, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Bordeaux 2 et président de l'Observatoire International de la Violence à l'École, la violence scolaire est générée par des "micro-violences", répétitives, anodines en apparence mais qui, lorsqu'elles sont réitérées sur le même souffre-douleur, peuvent avoir des conséquences tragiques. Refus, injures, harcèlement, racisme, coups, racket... génèrent chez les enfants anxiété, dépression, mauvaise estime de soi... donc à l'origine de l'absentéisme, du décrochage scolaire, voire du suicide de certains adolescents. "Un enfant harcelé a quatre fois plus de risque d'être suicidaire et de devenir un adulte dépressif ou un tireur fou : 75 % des tireurs fous dans les écoles aux USA ont été des élèves harcelés" commente Éric Debarbieux.
La Violence Scolaire, une Violence Collective
La violence aujourd'hui est essentiellement due à l'effet de groupe. Deux facteurs y contribuent : le phénomène de "délinquance d'exclusion" où l'on agresse quelqu'un qui n'est pas de son quartier ou qui travaille très bien à l'école et fait partie des 'intellos'. Le deuxième facteur : la "violence anti-institutionnelle" qui s'exprime en majorité contre le corps enseignant. "On s'amuse à faire mal en groupe, gratuitement et on revendique son acte "explique Eric Debardieux.
Une Violence connue depuis longtemps
"Depuis 1994, date à laquelle pouvoirs publics et médias commencent à s'en emparer, la violence scolaire est stable. Certes, il y a un lien avec la dégradation des conditions de vie. Certes, les difficultés se concentrent sur des zones qu'on dit plus difficiles. Et les actes n'y sont plus graves d'ailleurs. Mais les médias focalisent sur ceux-là, alors que la violence scolaire qu'on observe concrètement sur le terrain, c'est plutôt une succession de petits faits quotidiens. C'est cette violence là qui use enseignants et élèves" explique Cécile Carra, sociologue au Cesdip dans un entretien à Rue89. "Le problème c'est qu'il n'existe pas de statistiques fiables. Les journalistes me réclament sans arrêt des chiffres que je ne peux fournir. L'Éducation nationale a bien essayé de mesurer le phénomène mais l'outil de mesure a varié sept fois en 14 ans" ajoute Éric Debarbieux, dans un entretien au Post où il affirme que "sur l'ensemble des établissements scolaires, 6 à 10% souffrent de violences plus fortes qu'avant".
L'Arsenal Anti Violence Scolaire
La politique du gouvernement en matière de violence scolaire (AFP) est extrêmement claire. Nicolas Sarkozy l'a encore réaffirmé il y a quelques semaines. Il veut juguler les violences et l'absentéisme scolaires. D’où la mise en place d'un véritable arsenal de mesures :
- Diagnostic de sécurité
- Suspension des allocations familiales
- Ouverture d'internats destinés à accueillir les élèves les plus durs
- Installation d'un bureau du policier référent dans tous les établissements scolaires difficiles (sur la base du volontariat)
- Renforcement du partenariat éducation nationale-justice
- Formation spécifique des enseignants aux questions de discipline et de sécurité
- Responsabilisation des parents
- Possibilité pour les chefs des établissements réputés violents de choisir eux-mêmes leurs enseignants, etc.
Toutes ces mesures se veulent radicales mais correspondent-elles vraiment à la réalité ? "Les annonces du président de la République prennent le contre-pied des conclusions scientifiques des états généraux sur la sécurité à l'Ecole" qui se sont déroulés début avril. "Ce sont des réponses sécuritaires stéréotypées fondées sur le tri et l'exclusion qui sont proposées" commente l'Unsa-Education (2è fédération de l'éducation).
Pas facile d'y voir clair entre tapage médiatique et politique sécuritaire à outrance. Une chose est sure, c'est que la violence scolaire est l'expression d'un mal être. Elle est provoquée par de nombreux facteurs de risque (personnels, familiaux, sociaux, environnementaux). Les caméras de surveillance, les policiers, les internats… pourront-ils changer tous ces facteurs humains aggravants ? Pas facile de faire du cas par cas au ministère de l'Education nationale … Et vous, la sécurité scolaire vous préoccupe-t-elle ?
Le Petit Journal
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